M. Sébastien Meurant interroge Mme la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, au sujet des intentions du gouvernement sur le statut des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH).
Selon les chiffres publiés par le secrétariat d'État chargé des personnes handicapées, le nombre d'élèves en situation de handicap dans les classes ordinaires à la rentrée 2020 s'élève à 385 000, chiffre qui a plus que triplé sur ces dix dernières années. Face à cela près de 90 000 AESH sont à leurs côtés quotidiennement pour les accompagner, les sécuriser, contribuer à leur autonomie au sein de la salle de classe mais aussi lors des temps de pause. La mission confiée aux AESH dans le cadre de la politique de « l'école inclusive » menée par le Gouvernement a souvent été qualifiée comme étant l'une des priorités du quinquennat, pourtant la colère légitime de ces personnels précaires gronde de plus en plus et ne semble pas être prise au sérieux par le Gouvernement.
Alors que l'actuel ministre de l'éducation nationale parlait en 2014 de sortir cette profession de sa précarité en la « professionnalisant » force est de constater que les avancées se réduisent à peau de chagrin. À bout de souffle, la profession réclame une réévaluation de son revenu afin de gagner dignement sa vie ; actuellement un AESH perçoit en moyenne 760 € par mois pour 24 h de travail hebdomadaire quand le seuil de pauvreté est fixé à 1 015 € mensuels.
La question du revenu ne représente qu'une des multiples crispations ressenties par la profession. Statut précaire, manque de concertation avec le corps enseignant, jusqu'à six années d'attente avant une titularisation, affectations dans trop d'établissements, désorganisations, modifications d'emploi du temps, manque de formation face à des élèves nécessitant parfois un accompagnement de chaque instant. Sans oublier la menace de voir s'appliquer les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL) qui sont bien loin de faire l'unanimité.
Un exemple pour résumer ce mécontentement, celui d'une AESH en situation de handicap s'occupant de quatre enfants durant ses 24 h de travail hebdomadaire. L'un de ces enfants est lui-même handicapé et nécessite une assistance de chaque instant y compris pour son hygiène dans un environnement absolument inadapté (chaises et sanitaires inappropriés, pas de changes) sans aucune considération pour son propre handicap. Ses échanges avec la direction de l'école n'ont malheureusement abouti à rien, et l'arrivée des PIAL ne fait qu'accroîre sa crainte concernant l'aggravation de ses conditions de travail.
Comment peut-on imaginer précariser à ce point une profession en la mobilisant sur des dizaines d'établissement, en lui demandant d'intervenir sur plusieurs écoles à la fois et même d'accompagner plusieurs élèves sur la même journée sans rien entendre de ses revendications légitimes et rien offrir en retour ? L'ultra flexibilité réclamée par le Gouvernement, le manque de statut, les bas salaires, le manque de considération, la formation insuffisante… tout ceci contribue à une « uberisation » honteuse de la profession.
Il lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement sur l'évolution du statut d'AESH et sur les réformes nécessaires à mettre en place pour redonner du sens ainsi qu'une dignité à la profession.
Réponse du Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports
Permettre à l'école de la République d'être pleinement inclusive est une ambition forte du Gouvernement qui a fait du handicap une priorité du quinquennat. En témoigne l'engagement pris par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap du 11 février 2020 de créer 11 500 emplois d'AESH d'ici la fin 2022 et l'augmentation du temps de travail des AESH pour éviter des contrats à temps incomplet subis. Ainsi, le ministre chargé de l'éducation nationale a annoncé, lors du comité national de suivi de l'école inclusive du 30 juin, la création de 8 000 emplois d'AESH pour la rentrée 2020.
Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit la création de 4 000 ETP d'AESH pour la rentrée scolaire 2021. Parallèlement à l'emploi de nouveaux AESH pour répondre aux notifications croissantes des MDPH, le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports (MENJS) a conduit une action sans précédent de sécurisation des parcours des AESH, qui s'est traduite notamment par la transformation de l'ensemble des contrats aidés en contrats d'AESH. Au travers de la priorité donnée à la qualité de l'inclusion scolaire ainsi que l'amélioration des conditions d'emploi des AESH, le Gouvernement œuvre à faire émerger un véritable service public du handicap, à revaloriser le métier d'accompagnant et à reconnaitre leur place au sein de la communauté éducative. L'article L. 917-1 du code de l'éducation crée le statut d'accompagnant d'élèves en situation de handicap (AESH). Contractuels de droit public depuis le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014, ces agents bénéficient, depuis la loi pour une école de la confiance, de contrats de 3 ans avant d'accéder, après six ans de service dans ces fonctions, à un contrat à durée indéterminée.
La rénovation des conditions d'emploi des AESH s'est traduite par la publication d'un nouveau cadre de gestion des AESH le 5 juin 2019, qui vise notamment à clarifier les modalités de décompte de leur temps de travail afin d'assurer la reconnaissance de toutes les activités effectuées. Cette clarification, associée à la prise en compte des activités connexes ou complémentaires à l'accompagnement, ainsi que l'augmentation de la période de travail de référence (de 39 à 41 semaines minimum) permettent d'améliorer la rémunération des AESH qui est fonction de la quotité horaire travaillée et ne peut être inférieure au traitement indiciaire correspondant au salaire minimum interprofessionnel de croissance, ni supérieure au traitement afférent à l'indice brut 400. Conformément à l'article 12 du décret précité, le réexamen de l'indice de rémunération de l'AESH, qu'il soit en CDI ou en CDD, doit intervenir au moins tous les trois ans, en lien avec la conduite préalable d'un entretien professionnel et sous réserve que cette évolution n'excède pas 6 points d'indices majorés sur une période de trois ans. À ce titre, le MENJS demande aux académies de prévoir ce réexamen dès le terme de la première année du CDD et de garantir a minima lors du renouvellement du contrat, le même niveau d'indice que celui que l'AESH détenait au terme de son précédent contrat. Enfin, les modalités de ce réexamen doivent être présentées en comité technique académique. En matière de formation, le décret n° 2018-666 du 27 juillet 2018 introduit une durée minimale de 60 heures, incluse dans le temps de service des AESH, pour la formation d'adaptation à l'emploi des accompagnants non détenteurs des titres requis permettant ainsi d'homogénéiser les pratiques au plan national. Par ailleurs, en application de l'article L. 917-1 du code de l'éducation le MENJS a élaboré, par arrêté du 23 octobre 2019, un cahier des charges précisant les contenus de la formation continue en matière d'accompagnement des enfants et adolescents en situation de handicap avec l'objectif d'améliorer la prise en compte des besoins éducatifs particuliers des élèves et d'accompagner les professionnels qui leur sont dédiés. Ce cahier des charges définit les objectifs de la formation continue spécifique de ces agents, précise l'ensemble des dispositifs de formation qui peuvent être mobilisés et indique la méthode à retenir pour sa mise en œuvre. En tout état de cause, le MENJS a mis en place un pilotage renforcé de la mise en œuvre de ce nouveau cadre de gestion afin de garantir sa pleine application.
Au premier trimestre 2020, le pilotage des travaux visant l'amélioration des conditions d'emploi des AESH a également donné lieu au renforcement du dialogue social avec ces agents, par la création d'un comité consultatif dédié au plan national, adossé au comité technique ministériel. Dans ce cadre, et pour mieux accompagner les agents, un guide RH élaboré en concertation avec les organisations syndicales a été publié à leur attention le 2 juillet 2020 et vise à préciser leurs conditions d'emploi et leur environnement d'exercice. La généralisation des pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL), notamment inter-degrés, offre la possibilité pour une large part d'AESH de voir leur temps de travail augmenté grâce à une nouvelle organisation de l'accompagnement. Ces PIAL permettent en effet une coordination des moyens d'accompagnement humain au sein des écoles et établissements scolaires de l'enseignement public et de l'enseignement privé sous contrat, offrent une plus grande souplesse d'organisation permettant l'adaptation aux problématiques locales et visent à une professionnalisation des accompagnants et une amélioration de leurs conditions de travail. Dans ce cadre, le pilote du PIAL organise l'emploi du temps des AESH en fonction notamment de leur temps de travail et de leur lieu d'habitation. Il tient également compte de l'expérience professionnelle de l'AESH et du niveau d'enseignement dans lequel il intervient.
En outre, il lui est recommandé de limiter les lieux d'intervention des AESH à deux établissements maximum. Cette généralisation s'est accompagnée de la création d'un service de gestion dédié aux accompagnants dans les directions départementales des services de l'éducation nationale et les rectorats ainsi que du déploiement d'AESH référents à compter de la rentrée scolaire 2020 sur l'ensemble du territoire, qui contribue à mieux accompagner les AESH, en permettant à un pair expérimenté de leur apporter aide et soutien dans leur pratique. Les conditions de désignation de ces référents, leurs missions ainsi que leur régime indemnitaire, ont été définis par des textes réglementaires parus au JO des 2 août et 24 octobre 2020. Les travaux d'amélioration des conditions d'emploi des AESH se poursuivront dans le cadre de l'agenda social du MENJS.
Source du Sénat