Sur l'innovation technologique au service de l'autonomie des personnes.
Après un travail de réflexion et d’échanges engagé à la fin de l’année 2020, le Conseil scientifique de la CNSA vient d’adopter un avis consacré à l’innovation technologique dans le champ de l’autonomie. Dernier de la mandature du Conseil scientifique (2018-2022), cet avis expose plusieurs recommandations destinées à éclairer la mise en œuvre des nouvelles technologies dans le cadre du soutien à l’autonomie des personnes en situation de handicap et des personnes âgées.
Associées aux aides humaines, les aides techniques contribuent à l’autonomie et à l’amélioration de la qualité de vie des personnes handicapées et des personnes âgées. Parce que la CNSA a pour objectif de contribuer à la mise en place progressive d’un système de régulation et d’amélioration des aides techniques, son Conseil scientifique a examiné les conditions du développement des innovations technologiques et leurs effets sur les personnes en situation de handicap ou en perte d’autonomie, ainsi que sur leurs aidants, proches et professionnels, et sur les établissements et services médico-sociaux. Cet avis est d’autant plus d’actualité qu’il s’inscrit également dans un contexte de soutien au déploiement du numérique (avec le programme ESMS numérique). Il éclairera aussi la communauté scientifique sensibilisée aux thématiques de l’autonomisation et de l’innovation dans le champ de l’autonomie, ces axes étant par ailleurs soutenus au titre des priorités du Programme prioritaire de recherche (PPR) Autonomie.
L'avis "l'innovation technologique au service de l'autonomie des personnes âgées" en bref
Le Conseil scientifique estime que l’innovation technologique présente un potentiel de progrès pour l’autonomie des personnes, notamment par la voie des aides techniques. Afin d’assurer que ces technologies soient effectivement au service des personnes concernées, il accorde une importance particulière aux enjeux juridiques et éthiques dans le développement et la mise en œuvre de ces innovations, en particulier à l’égard des plus vulnérables. Il encourage la participation des personnes âgées et des personnes en situation de handicap à toutes les étapes du déploiement de ces nouvelles technologies (allant de la conception jusqu’à l’évaluation de leurs usages).
Des difficultés dans l'adéquation des innovations technologiques aux besoins des personnes
Le Conseil scientifique considère que malgré des attentes fortes, la capacité de l’innovation technologique à rencontrer les besoins des personnes concernées dans le champ de l’autonomie n’est pas toujours démontrée. Plusieurs difficultés sont identifiées pour expliquer ce constat. D’abord, le Conseil scientifique rappelle que les spécialistes d’une technologie ne sont pas nécessairement des spécialistes des domaines d’application ou, autrement dit, les acteurs spécialisés dans une technologie donnée ne sont pas nécessairement des experts du champ du handicap et de la perte d’autonomie. Autres difficultés : les enjeux éthiques et réglementaires relatifs au développement technologique, à la recherche et au champ de l’autonomie sont exigeants, créant un climat d’incertitude pour le développeur, d’autant plus fort que la durée de financement des projets de développement technologique serait trop brève pour une prise en charge adaptée des problématiques juridiques, éthiques et participatives. Le Conseil scientifique pointe également le fait que l’accès à l’expérimentation en « vie réelle », impliquant les acteurs de l’accompagnement médico-social et les destinataires des applications technologiques reste encore trop rare alors que l’implication des personnes concernées est indispensable à toutes les étapes du déploiement de ces innovations technologiques (de la conception à l’évaluation des usages). Enfin, il rappelle que le développement du numérique pose de nombreuses questions à tous les citoyens et plus spécifiquement aux personnes confrontées à des limitations de leur autonomie et à leurs aidants (en termes de sécurité, de protection des données, d’accessibilité, de fracture et de fragilité numériques) et rend nécessaire une approche éthique plurielle de la technologie.
Les recommandations
Partant de ces constats, le Conseil scientifique énonce 4 recommandations :
1 Recommandation n°1 : garantir l’effectivité des droits des personnes et le respect des principes éthiques à toutes les étapes de la conception, du développement, de la mise en œuvre et de l’évaluation des technologies les concernant. À cet effet, il invite les comités d’éthique à s’emparer de ces questions soulevées par les technologies dans le champ de l’autonomie et, le cas échéant, à renforcer leur rôle d’accompagnement auprès des différents acteurs locaux sur ces questions en confortant l’animation de la réflexion éthique sur les technologies . Le Conseil scientifique recommande également d’intégrer systématiquement les critères juridiques et éthiques lors de l’évaluation des projets à caractère technologique.
2 Recommandation n°2 : associer les personnes âgées et les personnes en situation de handicap, y compris dans leurs questionnements critiques, à toutes les étapes de la conception, du développement, de la mise en œuvre et de l’évaluation des technologies les concernant
3 Recommandation n°3 : encourager le dialogue et la mise en réseau des différents acteurs de l’écosystème de l’innovation technologique dans le champ de l’autonomie. Le Conseil scientifique considère que, dans le contexte du déploiement de la branche Autonomie de la Sécurité sociale, la CNSA peut avoir un rôle auprès des différents acteurs de l’écosystème de l’innovation dans le champ de l’autonomie. Elle peut les inciter à se structurer et à coopérer. En particulier, les Fab Labs, les Livings Labs, les Gérontopôles et certains centres de recherche doivent être encouragés dans leur développement, leur structuration et leur pérennisation.
4 Recommandation n°4 : développer une recherche pluridisciplinaire et interdisciplinaire pour éclairer le développement technologique et ses effets dans le champ de l’autonomie. Le Conseil scientifique identifie plusieurs besoins prioritaires de recherche. Il recommande de soutenir la recherche sur :
- les processus de conception, de développement, de mise en œuvre et d’évaluation des innovations technologiques dans le champ de l’autonomie (approche écosystémique) ;
- les questions juridiques et éthiques que pose le développement technologique dans le champ de l’autonomie ;
- l’impact des technologies et de leurs usages sur la vie quotidienne des personnes et celle de leur entourage ;
- les impacts des technologies sur les professionnels et sur leurs relations avec les personnes qu’ils accompagnent ;
- les modèles économiques susceptibles de viabiliser les innovations technologiques dans le champ de l’autonomie.
Un Conseil scientifique bientôt renouvelé
Composé de 23 membres, le Conseil scientifique de la Caisse a pour rôle d’assister le Conseil et la direction de la CNSA « dans la définition des orientations et la conduite des actions de la caisse » (CSS, Art L223-7) par la production d’avis. Arrivé au terme de la mandature des membres nommés en 2018, le conseil scientifique sera prochainement renouvelé pour une mandature 2023-2027. Ses missions et ses productions sont amenées à évoluer à mesure des transformations de la Caisse en gestionnaire de la branche Autonomie et des évolutions dans la structuration des acteurs de la recherche sur l’autonomie. Il pourra ainsi éclairer au mieux les orientations et actions de la Caisse notamment dans le cadre de la mise en œuvre de la COG 2022-2026.
"Source CNSA"