Le Gouvernement a décidé de rendre public l'avis rendu par le Conseil d’État sur un projet de loi relatif à la protection des enfants.
CONSEIL D’ÉTAT
Assemblée générale
Séance du jeudi 10 juin 2021
N° 402.958
EXTRAIT DU REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS
1. Le Conseil d’État a été saisi le 20 mai 2021 d’un projet de loi relatif à l’enfance, qui a fait l’objet ensuite de quatre saisines rectificatives, les 1er, 4 et 10 juin 2021, et qui est désormais intitulé « projet de loi relatif à la protection des enfants ».
2. Ce projet, dans sa rédaction résultant de la dernière saisine rectificative, est organisé en sept titres et comprend dix-sept articles. Le titre I comporte des dispositions relatives aux mesures d’assistance éducative et aux lieux dans lesquels peuvent être pris en charge les mineurs et majeurs de moins de vingt-et-un ans faisant l’objet d’une mesure de placement au titre de l’aide sociale à l’enfance. Le titre II est consacré au traitement des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger et vise à renforcer la protection contre la maltraitance et les violences faites aux personnes, en particulier aux enfants, prises en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux ainsi que des lieux de vie et d’accueil. Le titre III est relatif à la procédure applicable devant le juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative. Le titre IV modifie les dispositions applicables aux assistants familiaux. Le titre V contient des dispositions relatives au pilotage des politiques publiques de protection maternelle et infantile et de protection de l’enfance. Le titre VI est relatif à l’accueil, à l’évaluation et à l’orientation des mineurs non accompagnés. Enfin, le titre VII contient une habilitation à étendre et adapter les dispositions du projet de loi dans les collectivités d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.
3. L’étude d’impact répond de manière satisfaisante, pour la plupart des articles du projet de loi, aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution, sous réserve des observations faites dans les développements qui suivent.
4. Le Conseil d’État ne peut que regretter les délais particulièrement resserrés dans lesquels ce projet de loi lui a été soumis, au regard notamment de l'importance de certaines mesures qu'il contient et alors qu'il ne présente, par lui-même, aucun caractère d'urgence justifiant de telles conditions de saisine. Il résulte, en outre, de ce calendrier que les instances dont la consultation était obligatoire ont également été dans l'obligation de se prononcer dans des délais réduits.
Primauté du placement de l’enfant auprès d’un membre de la famille ou d’un tiers digne de confiance
5. Le projet de loi complète l’article 375 3 du code civil par une disposition faisant obligation au juge des enfants, sauf en cas d’urgence, avant de prendre une mesure d’assistance éducative, de faire évaluer par un service compétent les conditions d’éducation et de développement, physique, affectif, intellectuel et social de l’enfant dans le cadre d’un accueil par un membre de la famille ou un tiers digne de confiance lorsqu’une décision de placement de l’enfant est envisagée. Destinée à permettre d’explorer systématiquement la possibilité de maintenir l’enfant dans un cadre connu plutôt que de le placer auprès d’un service départemental de l’aide sociale à l’enfance, d’un service ou d’un établissement sanitaire ou d’éducation, cette disposition, qui laisse au juge la liberté de décider in fine du mode d’accueil de l’enfant, n’appelle pas d’observation particulière du Conseil d’État.
Compétence étendue du juge des enfants pour autoriser par une seule décision plusieurs actes déterminés relevant de l’autorité parentale
6. L’article 375 7 du code civil donne au juge des enfants, à titre exceptionnel et lorsque l’intérêt de l’enfant le justifie, la possibilité d’autoriser le tiers auquel est confié l’enfant à exercer un acte déterminé relevant de l’autorité parentale en cas de refus abusif ou injustifié ou en cas de négligence des détenteurs de cette autorité. Le projet de loi prévoit que la décision d’autorisation pourra désormais porter sur plusieurs actes et ajoute aux situations permettant d’y procéder celle dans laquelle les parents sont poursuivis ou condamnés, même non définitivement, pour des crimes ou délits commis sur la personne de l’enfant. Cet élargissement de l’intervention du juge des enfants en matière de délégation d’autorité parentale, prérogative du juge aux affaires familiales, qui facilite la délégation de plusieurs actes par une décision unique quand ceux-ci interviennent aujourd’hui de manière successive, reste limité et strictement encadré. Elle n’appelle aucune objection au regard des engagements internationaux de la France et du principe de la présomption d’innocence.
Encadrement des conditions d’hébergement des mineurs
7. Le projet de loi comporte plusieurs dispositions relatives à l’aide sociale à l'enfance. Il prévoit ainsi d’interdire, hors des périodes de vacances scolaires, de congés professionnels ou de loisirs, l’hébergement des personnes mineures et des personnes majeures âgées de moins de vingt-et-un ans dans les établissements qui n’y sont pas expressément autorisés par les dispositions du code de l’action sociale et des familles, et notamment dans les hôtels et les structures bénéficiant d’un agrément « Sport » ou « Jeunesse et éducation populaire ». Cette interdiction est assortie d’une dérogation susceptible d’être mise en œuvre en cas d’urgence ou pour assurer la mise à l’abri de mineurs.
8. Le Conseil d’État constate, en premier lieu, que cette mesure a pour objet de réglementer l'exercice du service public de la protection de l'enfance. Il estime, au vu notamment des informations figurant dans l'étude d'impact, que cette disposition qui vise à mettre un terme à une pratique conduisant à une prise en charge inadaptée d’un public particulièrement vulnérable en l’exposant à des risques connus et établis, tend, dans son principe, à mettre en œuvre l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant résultant des dispositions des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946 (Conseil constitutionnel, décision n° 2018-768 QPC du 21 mars 2019, paragr. 5 et 6 ; décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, paragr. 59 et 60). Il s’interroge toutefois sur la brièveté du délai prévu par le Gouvernement pour la mise en œuvre de cette disposition et invite le Gouvernement à apporter, au cours des travaux parlementaires, les informations qui permettront d’éclairer le législateur sur le choix du délai à retenir pour que la disposition remplisse l’objectif d’amélioration des conditions de prise en charge des enfants.
9. Le Conseil d’État considère, en deuxième lieu, que si cette mesure a pour effet, d’une part, de contraindre l’exercice d’un service public relevant de la compétence des départements et, d’autre part, d’en augmenter les charges, le coût journalier de l’hébergement hôtelier d’un mineur étant significativement inférieur à celui de son hébergement dans une structure dédiée, elle n’est pas de nature à porter au principe de libre administration des collectivités territoriales une atteinte contraire à la Constitution. Il estime qu’il appartient au législateur d’adapter les règles régissant un service public relevant des départements aux fins d’assurer dans les meilleures conditions le respect de l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il souligne en outre que le projet de loi prévoit que cette disposition entrera en vigueur de manière différée afin de laisser aux départements le temps d’adapter les services et établissements. Il considère de plus que la disposition ne peut être regardée comme une extension de compétences appelant une compensation financière de la part de l’État en application des dispositions de l’article 72-2 de la Constitution.
Le Conseil d’État déduit de tout ce qui précède que cette mesure du projet de loi ne se heurte à aucun obstacle d’ordre constitutionnel ou conventionnel.
10. Le projet prévoit également de soumettre l’ensemble des établissements accueillant des mineurs protégés, qu’ils assurent une prise en charge ponctuelle ou habituelle, au régime d’autorisation prévu pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux relevant du code de l’action sociale et des familles. Le Conseil d’État estime que cette disposition, qui est de nature à créer un régime juridique plus uniforme, cohérent et lisible et à sécuriser la prise en charge des mineurs et jeunes majeurs protégés, poursuit l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il note que cette disposition entrera en vigueur de manière différée afin de permettre aux établissements soumis à un régime de déclaration qui devront, à l’avenir, faire l’objet d’une autorisation, de s’adapter à la nouvelle réglementation.
Il écarte enfin la disposition du projet de loi tendant à rendre applicable aux établissements accueillant des mineurs qui relèvent des services départementaux en gestion directe certaines des normes régissant les établissements et services sociaux et médico-sociaux au sens du code de l’action sociale et des familles dès lors qu’elle n’apparaît pas nécessaire, ces établissements relevant, en l’état du droit en vigueur, des établissements et services sociaux et médico-sociaux et étant, dès lors, soumis au même encadrement.
Prévention des violences dans les établissements accueillant des mineurs et des personnes vulnérables
11. Le projet de loi prévoit de soumettre l’ensemble des intervenants dans les établissements, services ou lieux de vie et d'accueil régis par le code de l’action sociale et des familles, lesquels peuvent accueillir des mineurs, mais aussi des personnes âgées ou encore des personnes en situation de handicap ou d’insertion, quelle que soit la nature des interventions concernées, leur fréquence ou leur statut, aux dispositions de l’article L. 133-6 de ce code, qui ont pour objet d’interdire l’exercice de fonctions dans ces établissements en cas de condamnations judiciaires pour certaines infractions énumérées, et sous certaines conditions.
Le Conseil d’État précise que cette disposition du projet de loi a vocation à étendre l’interdiction d’exercice prévue à l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles à toute personne exerçant une fonction, permanente ou occasionnelle, à quelque titre que ce soit, y compris bénévole, dans l’un de ces établissements. S’il admet la disposition, il estime toutefois souhaitable, afin d’assurer la meilleure conciliation possible (Conseil constitutionnel, décision n° 2011-132 QPC, 20 mai 2011, cons. 5 à 7) entre l’objectif de protection des personnes vulnérables et le « droit pour chacun d’obtenir un emploi », conformément aux dispositions du cinquième alinéa du Préambule de 1946 (Conseil constitutionnel, décision 2010-98 QPC, 4 février 2011, cons. 3), de revoir dans les meilleurs délais la rédaction de l’ensemble des dispositions de l’article L. 133-6 du code de l’action sociale et des familles. A cet égard, dans le souci de définir des interdictions nécessaires et proportionnées à l’objectif poursuivi, il invite le Gouvernement à tenir compte des missions exercées, de la nature de l’infraction commise et du quantum de la peine prononcée, au regard des règles prévues pour en être relevé (Conseil constitutionnel, décision n° 2021-904 QPC, 7 mai 2021, par. 7). Enfin, afin de garantir à la fois le caractère effectif de cette interdiction et le droit au respect de la vie privée des personnes concernées dans le cadre de la vérification de leurs antécédents judiciaires, le Conseil d’État suggère de renvoyer à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions de cette vérification.
Pour améliorer la prévention et la lutte contre les violences et maltraitances, le projet prévoit que le projet d’établissement ou de service obligatoirement élaboré par tout établissement de service social ou médico-social en application de l'article L 311-8 du code de l’action sociale et des familles devra préciser la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance mise en œuvre par l’établissement ou le service dans le respect d’un contenu minimal fixé par décret. Le projet de loi prévoit également que les schémas d'organisation sociale et médico-sociale devront définir une stratégie de maîtrise des risques pour les établissements accueillant des mineurs et que l’évaluation des situations de mineurs signalées à la suite d'une information préoccupante sera réalisée au regard d’un référentiel national fixé par décret après avis de la Haute Autorité de santé. Ces mesures, qui ont vocation à améliorer la prévention et la prise en charge des situations de violence et de maltraitance, notamment par le partage de pratiques uniformes et éprouvées, ne soulèvent pas de difficultés juridiques.
Renvoi par le juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative des affaires d’une particulière complexité devant une formation collégiale
12. Le projet de loi introduit dans le code de l’organisation judiciaire un nouvel article qui ouvre au juge des enfants statuant en matière d’assistance éducative la faculté, lorsqu’une affaire présente une particulière complexité, de la renvoyer devant la formation collégiale du tribunal judiciaire qui statue alors comme juge des enfants, sous sa présidence.
Le juge des enfants constitue un ordre de juridiction auquel est attribuée compétence exclusive pour statuer dans les matières énumérées aux articles L. 252 2 à L. 252 5 du code de l’organisation judiciaire. La disposition du projet qui touche à la composition et au fonctionnement de cette juridiction, et donc à une de ses règles constitutives, relève, en application de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel et du Conseil d’État, du domaine de la loi.
Le Conseil d’État estime que l’instauration d’une faculté de renvoi à une formation collégiale du tribunal judiciaire par le juge des enfants, répond à un objectif de bonne administration de la justice des mineurs et n’appelle pas d’objection. Il relève que le choix d’orienter l’affaire vers cette formation est objectivé par la condition de « particulière complexité » requise par la loi, notion qui peut revêtir plusieurs dimensions juridique, humaine comme celle de question nouvelle en matière d’assistance éducative. Quelle que soit l’orientation choisie, les garanties dont bénéficient les justiciables demeurent les mêmes. Le Conseil d’État se borne à suggérer des améliorations rédactionnelles en introduisant deux sections au chapitre II du titre V du livre II du code de l’organisation judiciaire consacré au juge des enfants, la première intitulée : « Institution et compétence » et la seconde : « Organisation et fonctionnement », dans laquelle est placé le nouvel article.
Rémunération des assistants familiaux
13. Le projet de loi vise à revaloriser et à stabiliser la rémunération des assistants familiaux. Il institue la garantie d’un salaire minimum de croissance mensuel dès l’accueil d’un seul enfant, des revenus équivalents à au moins 80 % de la rémunération prévue lorsque l’employeur confie moins d’enfants que prévu par le contrat passé avec l’assistant familial et le maintien de la rémunération pendant quatre mois en cas de suspension d’agrément. Il permet également de restreindre, sous conditions, les possibilités de cumul d’employeurs pour faciliter l’intégration de l’assistant familial au sein d’une équipe éducative unique. Ces dispositions ont vocation à s’appliquer, dans leur rédaction résultant d’une saisine rectificative, tant aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit privé qu’à ceux employés par des personnes morales de droit public.
Le Conseil d’État note que, selon l’étude d’impact, les assistants familiaux connaissent des variations de rémunération importantes en fonction du statut de leur employeur (personne morale de droit privé ou personne morale de droit public) mais aussi, pour les assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public, en fonction du département qui les emploie, ces derniers appliquant des règles variables en fonction du nombre d’enfants et du type d’accueil (continu ou intermittent). Il constate, par ailleurs, qu’en cas de suspension de l’agrément, en raison de suspicions de dangers graves ou imminents pour la sécurité et la santé de l’enfant, l’assistant familial concerné perd sa rémunération et bénéficie seulement d’une indemnité compensatrice minimale.
Le projet de loi entend améliorer les conditions d’exercice du métier d’assistant familial afin d’améliorer l'attractivité de la profession et ainsi de favoriser l'accueil des enfants.
14. En premier lieu, le Conseil d’État rappelle que si le principe de la fixation d’un plancher de rémunération doit être établi par le législateur, la détermination du montant du plancher relève du pouvoir réglementaire. Il considère que s’il est loisible au Gouvernement de prévoir dans le projet de loi que ce plancher est égal au salaire minimum de croissance mensuel pour l'accueil d'un enfant en continu, il estime préférable d'étendre dans le même texte cette référence aux situations d'accueil d'un enfant de façon intermittente conformément à l'intention du Gouvernement.
15. En deuxième lieu, le Conseil d’État estime nécessaire de compléter la rédaction du texte pour mieux préciser les conditions dans lesquelles une telle restriction du cumul d’employeurs peut être établie. Il considère en outre que, dès lors que le Gouvernement entend introduire la possibilité de déroger à ces dispositions en cas de situation exceptionnelle et imprévisible, cette faculté doit être expressément prévue dans le projet de loi. Ces éléments sont pris en compte dans la saisine rectificative du Gouvernement.
16. En troisième lieu, le Conseil d’État constate que le maintien de la rémunération en cas de suspension de l’agrément s’inspire d’une règle applicable aux agents contractuels de l’État (article 43 du décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'État pris pour l'application des articles 7 et 7 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État). Il considère que la mesure envisagée qui doit s’appliquer aux assistants familiaux employés par des personnes de droit privé et à des agents de collectivités territoriales relève bien d’une disposition législative.
Gestion des agréments accordés aux assistants familiaux
17. Le projet de loi entend rationaliser la gestion des agréments accordés aux assistants familiaux par les présidents de conseil départemental pour sécuriser le parcours des enfants confiés en améliorant l’information de ces autorités. Il introduit d’abord les dispositions nécessaires pour exclure, pendant une durée à définir par décret, la possibilité de donner un nouvel agrément à une personne ayant fait l'objet d'un retrait d’agrément. Il étend ensuite aux assistants familiaux la disposition résultant pour les assistants maternels de l’article L. 421-7 du code de l’action sociale et des familles, selon laquelle lorsqu’un assistant maternel agréé change de département de résidence, son agrément demeure valable sous réserve d'une vérification par le président du conseil départemental du lieu d’installation, dans le délai d'un mois à compter de son emménagement, que ses nouvelles conditions de logement satisfont aux conditions mentionnées au troisième alinéa de l'article L. 421-3 du code de l’action sociale et des familles. Il prévoit enfin la constitution d’une base de données nationale recensant les agréments délivrés, suspendus ou retirés par les autorités départementales. Cette base de données doit être mise en œuvre par le nouveau groupement d’intérêt public également créé par le projet de loi.
18. Le Conseil d’État note que l’agrément délivré à un assistant familial est accordé pour une durée de cinq ans et que cet agrément demeure valable, en application de l'article L. 421-7 du code de l'action sociale et des familles, en cas de changement de département de résidence d'un assistant familial, sous réserve d'une déclaration préalable adressée au président du conseil départemental du département de sa nouvelle résidence. Il constate qu’en l’état actuel du droit, en l’absence de condamnation inscrite au casier judiciaire, un président de conseil départemental peut ne pas avoir connaissance de l’existence d’un retrait d’agrément par un autre conseil départemental lorsqu’un assistant familial établit sa résidence dans son département.
Le Conseil d’État estime que ces dispositions participent de la protection de l’enfance et n’appellent pas d’observations complémentaires.
Possibilité pour un assistant familial employé par une personne morale de droit public de poursuivre son activité au-delà de 67 ans
19. Le projet de loi comporte une disposition ouvrant la possibilité à l’assistant familial employé par une personne morale de droit public de poursuivre son activité au-delà de 67 ans. Une telle poursuite d’activité est aujourd’hui possible lorsque l’assistant familial est employé par une association, en application des règles générales définies par l’article L. 1237-5 du code du travail, mais non lorsqu’il est employé directement par le conseil départemental.
20. Le Conseil d’État observe que cette disposition constitue une dérogation à la limite d’âge des agents contractuels, employés par les collectivités territoriales, fixée à 67 ans par l’article 6-1 de la loi n° 84-834 du 13 septembre 1984 relative à la limite d’âge dans la fonction publique et le secteur public. Il souligne qu’elle vise à éviter une rupture dans la prise en charge des enfants et qu’elle est précisément encadrée. L’autorisation est délivrée pour un an après avis du médecin de prévention, elle ne peut excéder une durée de trois ans et ne peut être renouvelée chaque année qu’après avis du médecin de prévention. Il en déduit qu'elle ne se heurte à aucun obstacle d'ordre constitutionnel ou conventionnel.
Protection et promotion de la santé maternelle et infantile
21. Le projet de loi modifie plusieurs dispositions du code de la santé publique régissant les activités de protection et de promotion de la santé maternelle et infantile. Les dispositions visant à préciser le champ des bénéficiaires des actions d’accompagnement psychologique et social ainsi qu’à adapter l’objet des actions de prévention et de dépistage de certains troubles chez l’enfant n’appellent pas d’observations de la part du Conseil d’État.
Le projet envisage de modifier l’article L. 2111-1 du code de la santé publique pour prévoir que, tous les trois ans, le ministre chargé de la santé et les représentants des départements identifient conjointement, des « orientations stratégiques nationales » en matière de protection de la santé maternelle et infantile. Le Conseil d’État rappelle que l’article L. 1411-1 du même code confie à l’État la responsabilité de la politique de santé et prévoit que cette dernière comprend notamment « l'animation nationale des actions conduites dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile ». En cohérence avec ces dispositions, le Conseil d’État propose de préciser que ces orientations sont arrêtées par le ministre, en concertation avec les représentants des départements, dans le cadre de la stratégie nationale de santé mentionnée à l’article L. 1411-1-1 du même code. Eu égard à la portée que le Gouvernement entend assigner à ces orientations, qui ne consisteront pas en l’élaboration d’une stratégie globale mais en des thématiques particulières d’intérêt, le Conseil d’État propose d’en modifier l’intitulé pour les désigner comme des « priorités nationales », dont il appartiendra aux acteurs de la protection de la santé maternelle et infantile de « tenir compte ». La définition de la durée de ces orientations, ainsi que le cas échéant des autres modalités d’application de ce dispositif, est renvoyée au pouvoir réglementaire.
22. Le projet envisage de modifier également l’article L. 2112-4 du code de la santé publique pour remplacer la notion de « normes minimales », que les services départementaux de protection maternelle et infantile doivent respecter, par celle d’« objectifs socles de santé publique ». Le Conseil d’État relève que cette modification vise à substituer aux actuelles normes minimales d’activité et d’effectifs définies par voie réglementaire (articles R. 2112-5 à R. 2112-7 du même code) des objectifs de couverture minimale de la population. Il propose une nouvelle rédaction visant à mieux rendre compte de l’objet des dispositions en cause.
23. Le Conseil d’État écarte, en revanche, deux dispositions du projet de loi. Dans sa rédaction en vigueur, l’article L. 2112-7 du code de la santé publique impose à l’assurance maladie de rembourser aux départements les frais afférents à certains examens « pratiqués dans une consultation du service départemental de protection maternelle et infantile ». Le Conseil d’État constate que ces dispositions, dépourvues de toute ambiguïté, sont applicables à l’ensemble des consultations réalisées par les professionnels du service départemental, que celles-ci soient réalisées à l’intérieur ou à l’extérieur des locaux de ce service. La disposition envisagée par le projet pour préciser cette interprétation n’est, par suite, pas nécessaire.
24. Une autre disposition du projet de loi vise à préciser que la transmission du certificat de santé au médecin responsable du service départemental de protection maternelle et infantile, après la réalisation de l’un des examens obligatoires de l’enfant donnant lieu à l’établissement d’un tel certificat, peut s’effectuer par tout moyen, y compris par voie électronique. Le Conseil d’État relève toutefois, d’une part, que la rédaction actuelle de l’article L. 2132-3 du code de la santé publique ne fait pas obstacle à une transmission dématérialisée, d’autre part, qu’une telle précision ne relève en tout état de cause pas du domaine de la loi.
Réglementation des établissements prenant en charge habituellement des mineurs et des majeurs de moins de vingt-et-un an
25. Le projet comporte une disposition tendant à modifier le II de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles pour permettre la définition par décret de conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement, applicables aux établissements et services prenant en charge habituellement des mineurs et des majeurs de moins de vingt-et-un an au titre de l’aide sociale à l’enfance, mentionnés au 1° du I du même article. Le projet précise que ces conditions portent notamment sur les taux d’encadrement des jeunes accueillis ainsi que sur les qualifications et diplômes attendus des professionnels chargés de cet accueil.
Tout en relevant l’importance que revêt la définition de règles de cette nature afin de garantir la qualité et la sécurité de l’accueil des enfants, le Conseil d’État estime que le droit en vigueur fournit une base légale suffisante pour l’intervention d’un tel décret. En effet, le premier alinéa du II de l’article L. 312-1 renvoie à un décret, pris après avis de la section sociale du Conseil national de l’organisation sanitaire et sociale, la définition des conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement de l’ensemble des établissements et services mentionnés au I, à l’exception des établissements et services à caractère expérimental mentionnés au 12° de ce même I. Ce premier alinéa s’applique aux établissements et services intervenant dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance.
Au nombre de ces conditions techniques minimales peuvent être prévus, en particulier, des taux d’encadrement minimaux et des exigences en matière de qualification des professionnels. De telles règles existent d’ailleurs pour plusieurs catégories d’établissements et services, parmi les conditions minimales fixées aux articles D. 312-10-0-1 à D. 312-176-4 du même code. Le Conseil d’État estime dès lors que la disposition envisagée, en ce qu’elle explicite la possibilité de définir de telles règles pour les seuls établissements et services de l’aide sociale à l’enfance, est non seulement dépourvue d’utilité mais conduirait de surcroît à fragiliser les règles existantes pour les autres catégories d’établissements et services. Il écarte, par suite, cette disposition du projet de loi.
Pilotage national de la protection de l’enfance
26. Le projet de loi procède ensuite à une réorganisation d’ensemble de diverses instances et organismes consultatifs ou opérationnels compétents au niveau national dans le champ de la protection de l’enfance, au sens de l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que dans des champs connexes à celui-ci.
En particulier, il crée un nouveau groupement d’intérêt public compétent en matière de protection de l’enfance, d’adoption nationale et internationale, et d’accès aux origines personnelles, afin d’appuyer l’action des pouvoirs publics, notamment de l’Etat et des départements, et d’améliorer la cohérence et la coordination des pratiques sur l’ensemble du territoire. Ce groupement, dont l’État et les départements seront membres de droit, doit succéder aux groupements d’intérêt public dénommés « Agence française de l’adoption » et « GIP enfance en danger », mentionnés aux articles L. 225-15 et L. 226-6 du code de l’action sociale et des familles, dont il conserve les missions et certaines composantes existantes (service d'accueil téléphonique gratuit, Observatoire national de la protection de l'enfance, Agence française de l’adoption).
Le projet confie au groupement le soin d’assurer le secrétariat général de trois conseils :
- un nouveau Conseil national de la prévention et de la protection de l’enfance, placé auprès du ministre chargé de l’enfance, succédant à l’actuel Conseil national de la protection de l’enfance prévu à l’article L. 112-3 du code de l’action sociale et des familles ;
- le Conseil national de l’adoption, succédant au Conseil supérieur de l’adoption prévu à l’article L. 148-1 du même code ;
- le Conseil national de l’accès aux origines personnelles, prévu à l’article L. 147-1 de ce code dont ni l’intitulé ni les règles constitutives ne sont modifiés.
Enfin, le nouveau groupement doit assumer d’autres fonctions transversales sur l’ensemble de son champ d’intervention, en particulier l’établissement et la diffusion de référentiels.
27. Le Conseil d’État relève qu’en rattachant à un même organisme associant État et départements et couvrant un large champ, étendu par rapport aux instances actuelles à l’adoption nationale, et en confiant à celui-ci des fonctions d’animation et de mise en cohérence des pratiques, le projet de loi entend répondre à certaines des limites du dispositif actuel, mises en lumière notamment dans le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales remis en juin 2020 (« Création d’un organisme national dans le champ de la protection de l’enfance »), parmi lesquelles l’absence de prise en charge de certaines thématiques et de certaines fonctions au niveau national ou le cloisonnement des intervenants. Il contribue ainsi à la rationalisation de l’organisation actuelle et est de nature à permettre une plus grande cohérence de l’action publique dans ce domaine. Sans remettre en cause l’opportunité du choix d’ensemble fait par le Gouvernement, le Conseil d’État ne peut que souligner la complexité particulière de l’architecture envisagée, inhérente au maintien de l’ensemble des instances existantes au sein ou dans le prolongement du nouveau groupement, ainsi qu’aux options retenues quant au positionnement des trois conseils. Il constate que les objectifs poursuivis ne pourront pas être pleinement atteints par cette réforme organisationnelle. Il estime que la mise en œuvre de cette réforme devra faire l’objet d’une évaluation à brève échéance afin d’apprécier l’étendue et la nature de ses incidences.
28. En ce qui concerne les instances consultatives, le Conseil d’État prend acte de ce que le projet de loi modifie des organismes existants créés par voie législative. Il constate que le recours à la loi est en particulier justifié par la présence de parlementaires au sein du Conseil national de la prévention et de la protection de l’enfance et du Conseil national de l’adoption. Il propose de maintenir l’intitulé actuel du Conseil national de la protection de l’enfance dès lors que la « prévention », que le projet proposait d’ajouter, est, aux termes mêmes de l’article L. 112-3 précité, une composante de la politique de protection de l’enfance. Il veille enfin à renvoyer au niveau réglementaire, dans toute la mesure du possible, le soin de préciser les règles d’organisation et de fonctionnement de cette instance.
29. En ce qui concerne le nouveau groupement d’intérêt public, le Conseil d’État estime que sa création relève de la loi compte tenu de l’obligation d’adhésion et de financement posée à l’égard des départements. Il constate que, sous réserve de précisions rédactionnelles, les règles de composition et de financement envisagées par le projet n’appellent pas d’observations. Il relève par ailleurs que le projet entend renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de définir le régime d’emploi des personnels du groupement, en vue de poser en tant que de besoin des règles s’écartant de celles résultant du décret n° 2013-292 du 5 avril 2013 pris pour l’application de l’article 109 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit. Le Conseil d’État suggère de préciser la portée de ce renvoi. Par coordination, il propose d’ajouter le nouveau groupement à la liste des groupements d’intérêt publics, figurant à l’article 121 de la loi du 17 mai 2011, auxquels le chapitre II de cette loi ne s’applique qu’à titre subsidiaire.
Le Conseil d’État suggère par ailleurs de modifier les dispositions transitoires prévues par le projet de loi, afin notamment de fixer une date limite pour la constitution du nouveau groupement. Il propose qu’à défaut de signature de l’ensemble des membres de droit du groupement dans un délai de six mois à compter de la date de publication de la loi, l’État arrête le contenu de la convention constitutive. Le Conseil d’État suggère de préciser que le transfert de l’intégralité des droits, obligations et biens des deux groupements actuels au bénéfice du nouveau groupement, à la date de constitution de celui-ci, ne donnera pas lieu à la perception d’impôts, droits ou taxes.
Le Conseil d’État constate que le projet choisit de maintenir provisoirement la personnalité morale du groupement dénommé « Agence française de l’adoption », afin d’éviter l’interruption des activités d’intermédiation pour l’adoption internationale dans certains pays étrangers, dans l’attente de l’obtention par le nouveau groupement de son accréditation au titre de l’article 12 de la convention de La Haye du 29 mai 1993 relative à la protection des enfants et à la coopération en matière d'adoption internationale. Le projet prévoit à cette fin que le nouveau groupement mette à disposition de celui-ci les moyens nécessaires à l’exercice provisoire de cette mission. Le Conseil d’État estime que le maintien d’une personnalité morale limitée, sans moyens propres et entièrement dépendante d’un tiers, peut être admise compte tenu de la particularité de l’objectif d’intérêt général poursuivi. Il propose en revanche de simplifier les modalités de financement de ces missions résiduelles et ne retient pas la disposition prévoyant, en contradiction avec le principe de dévolution immédiate au nouveau groupement de l’ensemble des moyens de l’actuel groupement, le versement par l’État d’une subvention à ce dernier, venant s’imputer sur la participation de l’État à la nouvelle entité.
30. Le Conseil d’État observe par ailleurs que le projet modifie les dispositions des articles L. 226-3-1 et L. 226-3-3 du code de l’action sociale et des familles afin, d’une part, de préciser que les données relatives aux mesures de protection des mineurs remontées aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance, puis au niveau national sont des données « pseudonymisées », au sens du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (RGPD), et non des données anonymes. Cette clarification, sans incidence sur la nature effective des données transmises, n’appelle pas d’observations de la part du Conseil d’État. D’autre part, le projet prévoit la transmission de données, le cas échéant non pseudonymisées, au ministère chargé de la famille à des fins exclusives d’études, de recherche et d’établissement de statistiques, et non plus à l’observatoire national de la protection de l’enfance. Le Conseil d’État propose de préciser que cette disposition conduira au traitement de ces données par le service statistique ministériel et relève qu’elle s’inscrit dans le prolongement de la faculté d’accès à de telles données prévue, en l’état du droit, aux articles 1 et 7 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. Il estime qu’elle ne se heurte à aucun obstacle juridique.
Évaluation des mineurs privés de la protection de leur famille
31. Le projet de loi reprend des dispositions dont le Conseil d’État a déjà eu à connaître une première fois dans le cadre de l’examen du projet de loi confortant le respect, par tous, des principes républicains (Assemblée générale, 3 décembre 2020, n° 401549) et une deuxième fois dans celui de l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (Assemblée générale, 6 mai 2021, n° 402412). Le Conseil d'Etat souligne en premier lieu que ces dispositions sont actuellement soumises à l'examen du Parlement et qu’il conviendra de coordonner l’examen du nouveau projet avec la procédure législative en cours. Il ne peut, en second lieu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait, que reprendre les développements qu'il avait consacrés à ces dispositions lors de ses précédents avis.
32. Le projet de loi modifie la procédure d’évaluation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille prévue à l’article L. 221 2 2 du code l’action sociale et des familles qui ressortit à la compétence du président du conseil départemental. En l’état actuel du droit, le président du conseil départemental s’appuie sur les entretiens conduits par des professionnels spécialement formés avant de statuer sur la minorité et l’isolement de la personne concernée. Depuis le décret n° 2019 57 du 30 janvier 2019 relatif aux modalités d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et autorisant la création d'un traitement de données à caractère personnel relatif à ces personnes, il peut, s’il le souhaite, recueillir des informations complémentaires et organiser la présentation de la personne concernée auprès des agents des services de l’État spécialement habilités à recueillir les informations utiles à son identification et à renseigner le traitement de données intitulé « application d’appui à l’évaluation de la minorité (AEM) », établi sur le fondement de l’article L. 611 6 1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (devenu, depuis le 1er mai 2021, l’article L. 142 3 de ce même code) et régi par les articles R. 221 15 1 à R. 221 15 9 du code de l’action sociale et des familles.
Selon l’étude d’impact, le dispositif de protection des mineurs isolés est aujourd’hui victime d’engorgement sous le double effet d’un nombre croissant de demandes d’étrangers majeurs et de la réitération des demandes dans plusieurs départements. Afin d’y remédier, le Gouvernement souhaite rendre obligatoires, d’une part, l’organisation de la présentation des personnes concernées auprès des services de l’Etat ainsi que le renseignement du traitement de données AEM et, d’autre part, la transmission au préfet, chaque mois, des décisions prises par le président du conseil départemental sur la situation de minorité et d’isolement de ces personnes. Ces dispositions visent à compléter les informations prises en compte par le président du conseil départemental au moment où il statue et à mieux détecter les demandes multiples.
33. Le Gouvernement souhaite également conditionner le versement des contributions forfaitaires de l’Etat aux départements au titre des charges d’évaluation à l’organisation de la présentation de la personne concernée auprès des agents des services de l’Etat et à la transmission au préfet des décisions statuant sur la situation des personnes concernées.
34. En premier lieu, le Conseil d’Etat, reprenant sur ces dispositions du projet de loi les termes de ses précédents avis, note que le Conseil constitutionnel a jugé, à propos de la création du traitement de données AEM, que « ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de modifier les règles relatives à la détermination de l'âge d'un individu et aux protections attachées à la qualité de mineur, notamment celles interdisant les mesures d'éloignement et permettant de contester devant un juge l'évaluation réalisée. À cet égard, la majorité d'un individu ne saurait être déduite ni de son refus opposé au recueil de ses empreintes ni de la seule constatation, par une autorité chargée d'évaluer son âge, qu'il est déjà enregistré dans le fichier en cause ou dans un autre fichier alimenté par les données de celui-ci » (décision n° 2019 797 QPC, 26 juillet 2019, paragr. 7). Il rappelle également que le Conseil d’Etat, statuant au contentieux, a précisé que « l’intervention des agents des préfectures a pour seul objet de fournir au président du conseil départemental des informations permettant d’aider à la détermination de l’identité et de la situation de la personne, qui sont alors l’un des éléments de l’évaluation qui doit être conduite, en vertu du III de l’article R. 221 11 du code de l’action sociale et des familles, par les services du département, ou de la structure du secteur public ou du secteur associatif à laquelle cette mission a été déléguée par le président du conseil départemental. Elle est distincte des entretiens menés avec les intéressés par les professionnels de ces services ou structures, en application du septième alinéa du II du même article, dans le cadre d’une approche pluridisciplinaire » (CE, 5 février 2020, nos 428478 428826, UNICEF France et autres, Conseil national des barreaux, point n° 9).
La transformation de la possibilité de saisir les services de la préfecture en une obligation ne modifie pas les effets juridiques associés, tels qu’ils ont été décrits ci-dessus dans les deux décisions précitées. Le Conseil d’Etat considère, par suite, que l’obligation d’organiser la présentation mentionnée au point 32 auprès des services de l’Etat dans le cadre de l’évaluation n’affecte pas la compétence que détient le président du conseil départemental en la matière et n’a pas d’incidence sur la protection dont doivent bénéficier les personnes mineures. Cette mesure ne méconnaît ainsi ni le principe de libre administration des collectivités territoriales, ni l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, ni les stipulations de la convention internationale relative aux droits de l’enfant ou de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
35. En second lieu, le Conseil d’Etat constate, d’une part, que les nouvelles obligations mentionnées au point 32 mises à la charge des départements correspondent à une augmentation de dépenses liées à des compétences déjà transférées et qu’il revient en conséquence à l’Etat, dès lors qu’aucune compensation n’est requise, de fixer les conditions de versement de sa contribution. Il relève, d’autre part, que le Conseil constitutionnel veille à ce que les dispositions législatives qui réduisent les ressources des collectivités territoriales ne les restreignent pas au point d'entraver leur libre administration et de méconnaître ainsi l'article 72 de la Constitution (décision n° 2016 745 DC, 26 janvier 2017, paragr. 61 et 63 à 69). A titre d’exemple, le Conseil constitutionnel a admis des diminutions de la dotation globale de fonctionnement pour les années 2015, 2016 et 2017, pour des montants respectivement de 1,9 %, 1,6 % et 1 % des recettes de ces collectivités territoriales (décision n° 2014 707 DC, 29 décembre 2014, cons. 20 et 23 ; décision n° 2016 744 DC, 29 décembre 2016, paragr. 52 et 53).
En l’espèce, il ressort des informations communiquées par le Gouvernement que le montant de la contribution forfaitaire mentionnée ci-dessus représente 0,14 % des recettes réelles de fonctionnement des départements. Le Conseil d’Etat estime qu’il en résulte que l’absence de versement de cette contribution aux départements qui ne respecteraient pas l’obligation mensuelle de transmission de leurs décisions à la préfecture ne serait pas de nature à restreindre excessivement leurs ressources et à entraver leur libre administration.
36. En complément de la réforme de l’évaluation, le projet de loi complète sur deux points le dispositif de prise en charge des personnes prises en charge par l’aide sociale à l’enfance et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille. D’une part, le projet de loi étend les dispositions sur les informations transmises au ministre de la justice par les départements aux majeurs de moins de vingt-et-un ans privés de la protection de leur famille et pris en charge par l’aide sociale à l’enfance. D’autre part, il ajoute un critère socio-économique pour la répartition proportionnée de l’accueil des mineurs et de ces majeurs de moins de vingt-et-un ans entre les départements.
L’extension aux majeurs de moins de vingt-et-un ans privés de la protection de leur famille et pris en charge par l’aide sociale à l’enfance permettra la remontée d’informations sur les personnes bénéficiant d’un accueil provisoire en qualité de jeune majeur par le département. Par ailleurs, la répartition de l’accueil de ces personnes entre les départements se fait actuellement sur la base de critères démographique et d’éloignement géographique.
Avec l’ajout d’un critère socio-économique, le projet de loi vise à alléger la charge liée à l’accueil de ces personnes pour les départements les moins bien dotés et à faire contribuer davantage les départements plus favorisés. Ces dispositions n’appellent pas d’observations du Conseil d’Etat.
Dispositions relatives aux collectivités d’outre-mer
37. Le Conseil d’Etat propose de modifier les dispositions du projet habilitant le Gouvernement à étendre et adapter ses autres dispositions dans les collectivités d’outre-mer pour délimiter plus précisément le champ des règles susceptibles d’être étendues en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna compte tenu de la répartition des compétences entre l’Etat et ces collectivités. Elles n’appellent pas d’autre observation.
Cet avis a été délibéré et adopté par l’Assemblée générale du Conseil d’Etat dans sa séance du jeudi 10 juin 2021.