La présidence française présente ses priorités aux commissions parlementaires.
La France assure la présidence du Conseil jusque fin juin 2022. Une première série d’auditions s'est tenue du 24 au 27 janvier.
Les ministres présentent les priorités de la présidence française du Conseil de l'UE aux commissions parlementaires lors d'une série de réunions.
Emploi et affaires sociales
Le 25 janvier, la ministre du travail, de l'emploi et de l'inclusion économique, Élisabeth Borne, a identifié comme principales priorités la promotion de l'emploi et la protection des travailleurs, les modèles sociaux inclusifs et des sociétés plus résilientes. Elle a également déclaré qu'elle souhaitait conclure les négociations sur un salaire minimum équitable et obtenir des progrès significatifs dans le dossier de la transparence des salaires. Parmi les autres priorités figurent l'instauration de nouveaux droits pour les travailleurs des plateformes et la garantie d'environnements de travail sains.
Les députés ont globalement salué le programme. Ils ont plaidé pour le déblocage du dossier sur la coordination de la sécurité sociale et appelé à des mesures urgentes pour faire face aux conséquences de la pandémie sur l'emploi et l'éducation ainsi que sur la santé mentale des jeunes de l'UE.
Développement régional
Le 25 janvier, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Jacqueline Gourault, a dit vouloir débattre avec les députés du récent 8e rapport sur la cohésion économique, sociale et territoriale, qui analyse la géographie du mécontentement émergeant des zones les plus périphériques de l’UE.
Les députés ont affirmé que la politique de cohésion devait uniquement financer des solutions qui protègent l’environnement et devait être une priorité dans toutes les discussions budgétaires. Ils ont également mis en garde contre les retards significatifs actuels concernant les fonds de cohésion et souhaitent débattre de ce à quoi la politique de cohésion ressemblera après 2027. Les députés ont fait part de leurs préoccupations concernant le futur code de conduite sur les partenariats visant à améliorer la participation des collectivités locales et régionales.
Culture et éducation
Le 26 janvier, la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a mentionné trois priorités clés: mettre en place un programme de mobilité intra-européen pour les artistes et travailleurs culturels, consolider la souveraineté artistique et culturelle de l'UE et assurer l'accès de tous à la culture. Les députés ont demandé comment la diversité culturelle et linguistique de l'UE serait sauvegardée à l'ère numérique et ont appelé à des mesures pour lutter contre la discrimination et la reproduction des stéréotypes raciaux dans l’art. Les députés ont aussi posé des questions sur les initiatives de l'UE dans le secteur des jeux vidéo, sur la restitution des œuvres d'art pillées aux anciennes colonies, et ont salué le projet de mettre en place un fonds européen de soutien au journalisme d'investigation et indépendant.
Le 27 janvier, la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, Frédérique Vidal, a mis en avant les priorités suivantes: créer des synergies entre l'enseignement supérieur, la recherche, l'innovation et les services, et progresser sur l'initiative "Universités européennes". Elle a également abordé la création d'une commission indépendante pour l'histoire européenne et l'académie européenne. Les députés ont voulu savoir si la présidence avait l’intention de garantir la reconnaissance automatique, à l'échelle de l'UE, des diplômes et des qualifications de niveau inférieur à l'université, l'accès au financement Erasmus+ pour les étudiants les plus défavorisés et le soutien aux compétences et à l'éducation numériques.
Environnement, santé publique et sécurité alimentaire
Le 26 janvier, la ministre de la transition écologique, Barbara Pompili, a déclaré aux députés que la présidence avait quatre priorités dans le domaine de l'environnement: le paquet climatique "Fit for 55", pour lequel elle souhaite parvenir à une position du Conseil d'ici juin, la biodiversité, l'économie circulaire, notamment les statégies en matière de batteries et de déchets, et le droit à un environnement sain. Les députés l'ont interrogée sur une série de problématiques, telles que la manière d’obtenir un soutien plus large aux ambitions climatiques dans tous les États membres, la position française sur la future décision concernant les sources d'énergie verte dans la taxonomie, le calendrier de la stratégie sur les batteries et la durabilité des politiques.
Le 27 janvier, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a affirmé que la présidence concentrerait son travail sur la conclusion d'un accord relatif aux graves menaces transfrontalières pesant sur la réglementation sanitaire. Par ailleurs, la présidence travaillera sur le renforcement de la coopération en matière de santé au sein de l'UE, le rôle de l'Union dans la santé mondiale, l'avenir de l'union de la santé, la santé mentale, la numérisation des soins de santé, ainsi que sur les maladies rares et la résistance antimicrobienne. Les députés ont posé des questions sur l'union de la santé, le COVID-19, les traitements contre le cancer, la numérisation, les inégalités sanitaires, la santé des femmes et le droit à l'avortement.
Affaires constitutionnelles
Le 26 janvier, le secrétaire d'État chargé des affaires européennes, Clément Beaune, a souligné que le plus grand défi était de renforcer nos démocraties et l'ordre juridique européen, à la fois contre les menaces internes et externes, ainsi que contre la manipulation de l'information. De plus, il a abordé les listes électorales transnationales pour les élections européennes et une circonscription électorale à l'échelle de l'UE. Sur ce dernier point, certains députés ont soulevé la question de l'équilibre entre les États membres et de savoir si cela faciliterait ou entraverait l'intégration de l'UE.
Les députés ont également débattu des droits d'initiative et d'enquête du Parlement, du financement des partis politiques et de la transparence de la publicité politique, d'un organe indépendant d'éthique de l'UE, des retards au Conseil sur les procédures de l'article 7 et de la Conférence sur l'avenir de l'Europe.
Industrie, recherche et énergie
Concernant la politique énergétique, Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, a plaidé pour une “accélération de la décarbonation de l'économie’’, et pour faire avancer les négociations au Conseil sur les directives sur l’efficacité énergétique et sur les énergies renouvelables. La présidence travaillera également sur les dernières propositions du paquet “Fit for 55’’ sur le système gazier, les bâtiments et le méthane. Enfin, la hausse des prix de l’énergie continuera à faire l’objet de discussions approfondies.
Dans le domaine de l’industrie, des PME et de l’espace, Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée en charge de l’industrie, a appelé à “inventer un nouveau modèle de croissance’’, qui amène les Européens à réfléchir à leur autonomie stratégique et à leurs vulnérabilités, en particulier en matière d'approvisionnement en produits de santé ou en semi-conducteurs. Enfin, la présidence portera le combat pour la concurrence loyale afin de permettre aux entreprises européennes de lutter à armes égales avec leurs concurrents, a-t-elle conclu.
Dans le domaine de la recherche et de l’innovation, Frédérique Vidal, ministre de l’éducation supérieure, de la recherche et de l’innovation, a déclaré que la présidence œuvrera pour une politique européenne de la connaissance afin de promouvoir les synergies entre éducation, recherche, innovation et services à la société. Elle a aussi plaidé pour le renforcement de l’attractivité de l’Europe de la recherche. La présidence soutiendra également la construction d’un “véritable espace européen de l’innovation” et travaillera au déploiement du programme Horizon Europe. Enfin, la coopération avec les pays tiers en matière de recherche doit mettre l’accent sur le respect des valeurs et des principes ainsi que des intérêts de l’Union.
Commerce international
Le 24 janvier, les députés ont exhorté Franck Riester, ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l'attractivité économique, à savoir si les États membres ont réalisé des progrès sur la législation relative aux subventions étrangères et sur l'outil anti-coercition présenté récemment. Par ailleurs, ils souhaitent voir des progrès quant aux accords de libre-échange avec le Chili, et ont appelé à un rapprochement avec Taïwan et à un soutien de la Lituanie contre la Chine.
Plusieurs députés ont affirmé que le débat sur un accord d'investissement avec la Chine ne devrait pas être relancé sans l'adoption d'un règlement lié à un instrument basé sur le commerce contre le travail forcé. Franck Riester a ajouté que la présidence s'attendait à un accord sur l'instrument relatif aux marchés publics internationaux au cours de son mandat.
Affaires économiques et monétaires
Le 25 janvier, le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, a déclaré qu'une reprise économique verte et socialement équitable ainsi qu’une meilleure intégration de l'innovation dans le modèle économique de l'UE étaient des priorités absolues. De plus, il a souligné que des progrès dans l'achèvement de l'union des marchés de capitaux et de l'union bancaire, ainsi que la révision du modèle de gouvernance économique, seraient essentiels pour réaliser ces priorités.
Les députés ont demandé plus de précisions quant à la position de la France sur le règlement relatif à la taxonomie et sur la révision du pacte de stabilité et de croissance. La politique fiscale a également été soulevée à plusieurs reprises et certains députés français ont fait part de leurs craintes en ce qui concerne l'influence qu’exercent, selon eux, les lobbies financiers sur l'élaboration des législations financières et fiscales européennes.
Agriculture et développement rural
Les normes réciproques de production environnementale et sanitaire pour les produits importés de pays tiers sont, avec la séquestration du carbone, les deux principales priorités, a déclaré le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, Julien Denormandie, le 25 janvier. Des clauses miroirs devraient être utilisées dans les accords commerciaux et les agriculteurs doivent pouvoir capter davantage de carbone, a-t-il ajouté. De nombreux députés ont approuvé l'approche de la présidence.
Un certain nombre de députés ont souligné la crise actuelle dans le secteur de la viande porcine et ont demandé un système pour soutenir les agriculteurs. Certains ont posé des questions sur les systèmes d'étiquetage des aliments nutritionnels, tandis que d'autres ont proposé une approche prudente de la révision des systèmes d'indications géographiques de l'UE et de la politique de promotion des produits agricoles de l'Union.
Marché intérieur et protection des consommateurs
Libérer tout le potentiel du marché unique, conformément aux transitions numérique et écologique, garantir une concurrence loyale et protéger les consommateurs contre les produits dangereux figurent parmi les questions mises en avant par la ministre déléguée chargée de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher, le 25 janvier.
Le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications, électroniques, Cédric O, a réaffirmé la volonté de conclure un accord provisoire sur les législations sur les marchés et les services numériques sous la présidence française. Les législations sur l'intelligence artificielle et les données ont également été mentionnées dans son intervention.
Les députés ont entre autres abordé la nécessité d'une harmonisation plus complète des règles, en particulier pour les marchés numériques, le rôle des consommateurs dans la transition écologique, la durabilité et la réparabilité des produits, l'interopérabilité, la publicité ciblée, les chargeurs communs, l’instrument du marché unique pour les situations d'urgence, les subventions étrangères ou encore les PME.
Droits des femmes et égalité des genres
Le 25 janvier, la ministre déléguée chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances, Elisabeth Moreno, a déclaré que la présidence française s’attacherait à faire aboutir plusieurs textes majeurs, notamment sur la transparence salariale, la présence des femmes dans les conseils d’administration des entreprises et la ratification de la Convention d’Istanbul.
Les députés ont appelé à une action renforcée face aux violences, qui ont augmenté de 30% depuis le début de la pandémie. Ils ont également questionné la ministre sur la stratégie en matière de soins, la promotion de l’égalité des genres via la politique extérieure de l’UE, ou encore les droits sexuels et génésiques. Sur ce dernier point, la ministre a rappelé que la présidence française souhaitait ouvrir le débat sur la manière d’expliciter la reconnaissance du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE.
Affaires étrangères
Le 25 janvier, le ministre de l'Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a condamné le renforcement des troupes à la frontière ukrainienne. Faisant référence au prochain sommet UE-Union africaine, il a souligné que la situation sécuritaire au Mali et dans la région du Sahel au sens large était une priorité, de même que la situation au Burkina Faso. Sur les Balkans et le processus d'élargissement, la présidence organisera une conférence plus tard en 2022.
Dans leurs réponses, les députés ont posé des questions sur les pays des Balkans candidats à l'adhésion et sur les actions qui seraient envisagées contre le dirigeant des Serbes de Bosnie, Milorad Dodik. Sur la crise ukrainienne, les députés ont remis en question les propositions françaises visant à rétablir le dialogue avec la Russie et ont demandé si les États membres de l'UE allaient s’aligner sur la demande des députés pour une action plus affirmée contre la Chine.